Comment les microtubules participent au traitement des signaux cellulaires
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Comment les microtubules participent au traitement des signaux cellulaires


Les microtubules participent activement à la communication cellulaire en transmettant les signaux reçus aux unités fonctionnelles de la cellule. Des scientifiques de l’Institut Paul Scherrer PSI et du Département de biomédecine de l’Université de Bâle viennent de réaliser une première: élucider, en termes de biologie structurale, la manière dont ces fibres protéiques du cytosquelette accomplissent précisément cette tâche. Leurs résultats pourraient permettre d’intervenir dans cette communication et, par exemple, d’inhiber la croissance de tumeurs. L’étude est parue dans la revue scientifique Cell.

Qu’il s’agisse de la division, de la différenciation, de la mobilité de la cellule, ou encore de la mort cellulaire programmée: les fonctions les plus diverses d’une cellule de l’organisme humain sont contrôlées par des protéines de signalisation au sein de la cellule. Il en va de même pour les défenses immunitaires et la lecture des informations génétiques. A l’origine, les ordres provenant de l’extérieur, par exemple sous forme d’hormones, de cytokines ou de facteurs de croissance, parviennent jusqu’à la membrane cellulaire, où ils se lient aux récepteurs correspondants avant d’être traduits en protéines de signalisation qui transmettent l’ordre à l’intérieur de la cellule. De la sorte, le signal atteint également les microtubules en plusieurs étapes.

Les microtubules sont les fibres protéiques centrales du cytosquelette. De la même manière que le squelette osseux soutient le corps humain, le cytosquelette soutient la cellule. Mais il assume également d’autres fonctions. Si l’on se représente la cellule comme une ville, les microtubules seraient ses avenues principales reliant entre eux les bâtiments importants (qui correspondent aux organites comme le noyau cellulaire, les mitochondries et les ribosomes) et permettant le transport de marchandises (biomolécules) entre ces derniers.

A cette différence près que les microtubules sont dynamiques: ils créent sans cesse de nouvelles liaisons, ce qui les amène à se réorganiser. Jusqu'à présent, on pensait que les microtubules n'étaient que des récepteurs au sein de la communication cellulaire, qui réagissaient à de tels ordres en modifiant leur dynamique et leur organisation. Mais il s’avère qu’ils assument également la fonction de transmission de signaux à d’autres récepteurs. Lorsqu’une protéine de ce genre s’arrime, ils activent des voies de signalisation de certaines fonctions cellulaires, comme les défenses immunitaires et la division cellulaire qui sont d’une importance fondamentale pour l’organisme. S’ils ne le faisaient pas, certains ordres ne parviendraient pas à destination et les cellules ne fonctionneraient pas. Des études l'ont déjà montré il y a quelques décennies.

Jusqu’à récemment, toutefois, un point n’avait pas été éclairci: comment cette transmission des signaux par les microtubules se déroule-t-elle au niveau moléculaire? C’est ce qu’a réussi à élucider une équipe du Centre des sciences de la vie du PSI, emmenée par Sung Choi, premier auteur, et Michel Steinmetz, chef de projet, en prenant l’exemple de la protéine de signalisation GEFH1 – en étroite collaboration avec le groupe de recherche d’Alfred Zippelius du Département de biomédecine de l’Université de Bâle.

Fonctionnement du processus

GEFH1 est l’abréviation de «guanine nucleotide exchange factor H1». Il s’agit d’une protéine de signalisation déjà bien étudiée, qui active la voie de signalisation appelée RhoA. A elle seule, cette voie de signalisation – et ce n’en est qu’une parmi beaucoup d’autres – déclenche une cascade de processus cellulaires, qui contrôlent notamment la division cellulaire, ou encore la mobilité de la cellule pour qu’elle puisse participer à la cicatrisation, par exemple.

Dès que GEFH1 atteint les microtubules, il se fixe et est inactivé. Grâce à la cryo-microscopie électronique, et à des examens biochimiques et cellulaires, l’équipe du PSI vient de réussir à démontrer que cette liaison se fait uniquement par le bais de ce que l’on appelle le «domaine C1»: une partie moléculaire très spécifique de la protéine de signalisation, composée de nombreux acides aminés. «Nous avons fabriqué et testé de manière biotechnologique des fragments de GEFH1 capables de se lier à des microtubules, explique Sung Choi. Nous avons également construit des variantes de GEFH1 avec des sites d’ancrage mutés, avant de les introduire dans des cellules pour voir si elles se liaient. Nous avons pu ainsi montrer clairement que seul le domaine C1 assure la liaison.» Et ce avec précisément quatre tubulines. Les tubulines sont les protéines spéciales dont sont faits les fibres du microtubule. Avec le domaine C1, GEFH1 se place entre ces tubulines à l’intérieur d’une cavité, comme un bouchon dans le bon trou. C’est ce qu’a révélé la cryo-microscopie électronique.

La protéine de signalisation est libérée lorsque le microtubule se dissout dans le cadre de sa dynamique habituelle et que le filament de tubuline se décompose à l’endroit où GEFH1 s’était fixé. La voie de signalisation RhoA est ainsi activée pour initier d'autres processus cellulaires.

Un nouvel outil pour la médecine

Les résultats de l’étude permettent avant tout une compréhension fondamentale des processus cellulaire. «Ils complètent notre tableau des cascades cellulaires que déclenchent des substances messagères comme les hormones et les cytokines, explique Michel Steinmetz. En tant qu’élément actif dans ce mécanisme, les microtubules revêtent une importance encore plus grande.» Au-delà, une connaissance plus exacte de ces processus nous offre de nouvelles possibilités dans le domaine médical. Aujourd’hui déjà, il existe des moyens de bloquer les récepteurs de certaines protéines de signalisation au niveau de la membrane cellulaire, par exemple pour inhiber la croissance cellulaire effrénée en cas de cancer. Ou encore, dans d’autres cas, des moyens de favoriser la liaison et donc de renforcer le système immunitaire. Eventuellement, ces possibilités d’intervention pourraient être développées également au niveau du domaine C1 et des microtubules. «Nous disposerions ainsi d’un outil supplémentaire pour intervenir en cas de dysfonctionnement», relève Sung Choi.

Cette découverte peut probablement être appliquée à beaucoup d’autres protéines et voies de signalisation: «Hormis GEFH1, il existe d’innombrables protéines de signalisation, mais qui sont structurées différemment, explique Michel Steinmetz. Parmi elles, cependant, il y a en a beaucoup qui disposent également d’un domaine C1 et se lient ainsi aux microtubules.» Pour la médecine, cela représenterait de nombreuses possibilités pour bloquer ou favoriser la liaison du domaine C1. Un exemple particulièrement pertinent est celui de la protéine suppressive de tumeur RASSF1A, dont l'interaction avec les microtubules via le domaine C1 a également été démontrée au cours de cette étude. La RASSF1A est l'un des gènes suppresseurs de tumeurs prototypiques et est fréquemment inactivée dans plus de quarante types de tumeurs malignes humaines, notamment les cancers du poumon, du sein, de la prostate, les gliomes, les neuroblastomes, les myélomes multiples et les cancers du rein. Cela souligne encore davantage la pertinence thérapeutique du mécanisme du domaine C1.

Mais il existe également des protéines de signalisation qui se lient aux microtubules sans avoir de domaine C1. «Notre objectif est de mener d’autres études pour découvrir comment elles font, note Michel Steinmetz. A cet effet, nous venons de développer un pipeline de tests et de procédés transférables pour découvrir des mécanismes supplémentaires.»

Texte: Jan Berndorff

Publication originale
Structural basis of microtubule-mediated signal transduction
Sung R. Choi et al.
Cell, 8.12.2025
DOI: 10.1016/j.cell.2025.11.011
Attached files
  • Le premier auteur Sung Choi a étudié comment la protéine de signalisation GEFH1 se lie de manière ciblée aux microtubules – un pas décisif vers une meilleure compréhension de la communication cellulaire. © Institut Paul Scherrer PSI/Markus Fischer
  • Sung Choi, premier auteur de l’étude, et Michel Steinmetz, chef de projet, dans leur laboratoire. Grâce à la cryo-microscopie électronique, ils ont élucidé au niveau moléculaire la manière dont les microtubules participent à la transmission du signal à l’intérieur de la cellule. © Institut Paul Scherrer PSI/Markus Fischer
Regions: Europe, Switzerland
Keywords: Science, Life Sciences

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