Le bois craque et grince tandis que le chiffre affiché à l'écran ne cesse d'augmenter. À plus de 100 kilonewtons de charge horizontale, un bruit sourd retentit : l'une des poutres du mur de la maison à deux étages s'est fendue sous l'énorme pression. Nadja Manser, chercheuse à l'Empa, est satisfaite : l'expérience est un succès. Au cours des prochains jours, le mur en bois sera démonté dans le hall de construction de l'Empa et remplacé par un nouveau mur qui sera lui aussi soumis à des charges jusqu'à la rupture, sous la surveillance de nombreuses caméras et capteurs.
Ces essais spectaculaires constituent la phase finale d'un projet de recherche de quatre ans mené par l'Empa, la Haute école spécialisée bernoise et l'ETH Zurich, avec le soutien de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) dans le cadre du « Plan d'action bois » ainsi que de plusieurs partenaires industriels et associations. L'objectif : améliorer l'efficacité de la construction à ossature bois grâce à des calculs statiques améliorés. « Nous étudions le renforcement horizontal des bâtiments à ossature bois comportant des ouvertures pour fenêtres », précise Nadja Manser.
Rigidité et résistance au vent et aux séismes
En effet, les bâtiments doivent non seulement résister aux charges verticales, telles que la neige et leur propre poids, mais aussi à celles qui s'exercent latéralement, par exemple les charges induites par le vent sur la façade ou par les tremblements de terre. Les ingénieurs civils doivent calculer ces charges horizontales lors de la phase de conception afin de concevoir des bâtiments suffisamment rigides et résistants. Dans le domaine de la construction à ossature bois, il existe toutefois une lacune importante en matière de connaissances : « Ni en Suisse ni dans d'autres pays européens, il n'existe aujourd'hui de réglementation sur la charge horizontale qu'une paroi à ossature bois peut supporter lorsqu'elle comporte une ouverture pour une fenêtre », explique Nadja Manser. « Dès qu'une fenêtre est prévue dans la façade, l'ingénieur chargé de la conception doit traiter l'ensemble du segment de paroi comme s'il ne contenait que de l'air. Ce n'est pas efficace. »
Nadia Manser, son équipe et ses partenaires de projet se sont donc fixé pour objectif en 2021 de combler cette lacune et de créer les conditions nécessaires pour que les murs comportant des ouvertures de fenêtres soient également pris en compte dans le renforcement des bâtiments. Les essais ont commencé à petite échelle à la Haute école spécialisée bernoise de Bienne, d'abord avec des panneaux de revêtement individuels, tels qu'ils sont utilisés dans la construction à ossature bois, puis avec de petits éléments muraux et enfin avec des murs à un étage comportant des ouvertures de fenêtres de différentes tailles.
Gagner du temps et économiser du matériel
Les chercheurs ont réalisé les derniers essais à grande échelle dans le hall de construction de l'Empa : d'abord avec des murs en bois à deux étages, puis avec de longs murs à un étage, chacun comportant deux ouvertures de fenêtres côte à côte. Les résultats obtenus sont intégrés dans un nouveau modèle informatique qui permet de calculer le renforcement horizontal des murs avec des ouvertures de fenêtres. Les travaux sur le modèle ne sont pas encore terminés, mais les premiers résultats sont prometteurs : la contribution des murs avec des ouvertures de fenêtres au renforcement du bâtiment est suffisamment importante pour que l'on puisse à l'avenir réduire le recours à des ancrages en acier coûteux et exigeants en main-d'œuvre. « Dans certains bâtiments, il sera peut-être possible de se passer d'un noyau en béton, qui est aujourd'hui nécessaire dans de nombreuses constructions en bois pour atteindre les valeurs de rigidité souhaitées », explique Nadja Manser. Cela permet d'économiser du temps et des matériaux et de construire des bâtiments en bois plus économiques et plus durables.
Avant que le nouveau modèle de calcul puisse être utilisé dans l'industrie, il doit encore être simplifié. « Actuellement, nous disposons d'un modèle de recherche complexe avec de nombreux paramètres. L'objectif est d'en dériver un modèle pratique simplifié, qui nécessite moins de calculs, mais qui fournit néanmoins des valeurs suffisamment précises », explique Nadja Manser. Pour ce faire, les chercheurs travaillent en étroite collaboration avec leurs partenaires industriels, comme ils l'ont fait tout au long du projet. « Il n'a pas toujours été facile de concilier les différentes exigences de l'industrie et de la recherche. Mais en contrepartie, les résultats de nos travaux peuvent être rapidement mis en application », explique la chercheuse et ingénieure civile.
Regions: Europe, Switzerland
Keywords: Applied science, Computing, Engineering, Arts, Architecture