• L'équipe de recherche a utilisé les données de 140 radars météorologiques pour estimer la quantité d’insectes au-dessus de l’ensemble des États-Unis.
• Cette quantité est restée stable au cours des dix dernières années, mais avec de fortes augmentations et diminutions régionales.
• Cette méthode doit permettre de surveiller la fréquence des insectes à grande échelle.

Une méthode automatisée, peu coûteuse et applicable à grande échelle pour les surveiller dans l’espace aérien pourrait être l’utilisation des radars météorologiques, dont de nombreux pays possèdent de vastes réseaux. Ils sont conçus pour observer les nuages et les précipitations, mais ils détectent également tout autre objet volant. Des algorithmes peuvent filtrer les signaux émis par les insectes, dont les trajectoires de vol laissent des traces caractéristiques sur les images radar.

Aux États-Unis, les données des radars météorologiques sont en libre accès. Elske Tielens du WSL et deux collègues américains en ont profité pour établir la toute première estimation mondiale de la quantité d’insectes au-dessus du territoire continental américain: lors d’une journée d’été moyenne, quelque 100 billions (10¹⁴) d’insectes, représentant des millions de tonnes de biomasse, volent au-dessus des États-Unis, rapportent-ils dans la revue scientifique Global Change Biology.

Ce chiffre est resté relativement stable sur les dix années analysées (2012 à 2021), mais il a fortement varié à l’échelle régionale. Environ la moitié des radars ont observé une augmentation de la densité d’insectes, l’autre moitié une diminution. Les fluctuations étaient surtout liées aux températures hivernales: là où celles-ci ont augmenté, les populations d’insectes ont le plus fortement diminué. Le cycle de vie de nombreux insectes – éclosion, développement ou infestation par des parasites – est en effet largement régulé par la température.

L’observation par radar révèle pour la première fois des schémas continentaux de populations d’insectes volants et fournit une série temporelle unique couvrant dix années. Mais ce n’est pas une solution miracle: «Il est probable que le plus fort déclin des populations d’insectes ait déjà eu lieu dans les années 1970 à 1990, donc avant notre collecte de données», explique Elske Tielens. De plus, les radars ne permettent pas d’identifier les espèces. Or, les études menées au sol montrent que ce sont surtout les espèces rares ou sensibles aux changements environnementaux qui disparaissent, tandis que les espèces communes augmentent. «Il est donc essentiel de combiner les données radar avec d’autres sources – relevés locaux, science participative, etc.», ajoute le chercheur.

Les radars météorologiques peuvent néanmoins fournir les données de base indispensables sur les populations d’insectes, sur lesquelles de futures séries temporelles pourront s’appuyer. Dans les pays du Sud notamment, il existe beaucoup moins de données sur la faune entomologique qu'en Europe ou en Amérique du Nord. En outre, l'analyse des anciennes données radar à l'aide de nouveaux modèles de calcul pourrait permettre de mettre en évidence des changements historiques, indiquent les auteurs. Cette méthode est toutefois difficile à appliquer en Suisse, car de nombreux radars météorologiques sont installés sur des crêtes ou des sommets montagneux, ce qui fait que les insectes volants passent littéralement sous le radar.

Une vaste étude sur la faune entomologique de Suisse est en cours jusqu’en 2026. De 2023 à 2025, des scientifiques ont installé des pièges à insectes dans des zones agricoles, des forêts et des milieux non exploités afin de comprendre comment l’utilisation du territoire et le climat influencent les populations d’insectes en Suisse. Les échantillons sont en cours d'analyse et seront comparés à ceux collectés il y a 20 ans pour identifier les principales menaces futures et améliorer la protection de la nature. Le projet est le fruit d'une collaboration entre le WSL, Agroscope, Infofauna, FibL et la Station ornithologique suisse.

https://www.wsl.ch/fr/projets/insect-une-initiative-de-recherche-sur-les-modifications-de-lentomofaune-en-suisse/