Le cerveau ajuste nos perceptions en temps réel
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Le cerveau ajuste nos perceptions en temps réel


Le cortex cérébral traite les informations sensorielles via un réseau complexe de connexions neuronales. Mais comment ces signaux sont-ils ajustés pour affiner nos perceptions? Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) a identifié un mécanisme par lequel des projections thalamiques ciblent certains neurones et modifient leur excitabilité. Ces travaux, publiés dans Nature Communications, révèlent une façon de communiquer inédite entre deux régions du cerveau, le thalamus et le cortex somato-sensoriel. Ils pourraient expliquer pourquoi un même stimulus sensoriel ne provoque pas toujours la même sensation et ouvrir des pistes pour mieux comprendre certains troubles mentaux.

Un même stimulus sensoriel peut parfois être perçu avec clarté ou rester flou. Ce phénomène s’explique par la manière dont le cerveau intègre ces perceptions. Ainsi, toucher un objet hors de notre champ de vision peut suffire à l’identifier, ou non. Ces variations perceptives restent mal comprises, mais elles pourraient dépendre de facteurs comme l’attention ou la présence perturbatrice d’autres stimuli. Ce qui est certain, selon les neuroscientifiques, c’est que lorsque nous touchons quelque chose, les signaux sensoriels provenant des récepteurs de la peau sont interprétés par une région spécialisée du cerveau appelée «cortex somato-sensoriel».

En chemin, ces signaux traversent un réseau complexe de neurones, dont une structure cruciale du cerveau appelée «thalamus», qui sert de relais. Ce processus n’est toutefois pas à sens unique. Une partie importante du thalamus reçoit également des signaux en retour du cortex et les redistribue en formant une boucle de rétroaction. Mais le rôle exact et le fonctionnement de cette boucle restent encore mal compris.

Une nouvelle voie modulatrice
Pour explorer cette question, les neuroscientifiques de l’UNIGE ont étudié une région située au sommet des neurones pyramidaux du cortex somato-sensoriel, riche en dendrites – soit des prolongements de neurones qui reçoivent les signaux électriques en provenance d’autres neurones. «Les neurones pyramidaux ont des formes un peu étonnantes. Ils sont asymétriques, tant dans leur forme que dans leurs fonctions. Ce qui se passe en haut du neurone est différent de ce qui se passe en bas», explique Anthony Holtmaat, professeur ordinaire au Département des neurosciences fondamentales et au Centre Synapsy de recherche en neurosciences pour la santé mentale de la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui a dirigé l’étude.

Son équipe s’est focalisée sur la souris et une voie neuronale particulière, dans laquelle le sommet des neurones pyramidaux reçoit des projections d’une partie spécifique du thalamus. En stimulant les moustaches de l’animal – l’équivalent du toucher chez l’humain – un dialogue précis entre ces projections et les dendrites des neurones pyramidaux a pu être mis en évidence. «Ce qui est remarquable, contrairement aux projections thalamiques connues jusqu’ici pour activer les neurones pyramidaux, c’est que cette partie du thalamus fonctionnant en boucle rétroactive module leur activité, notamment en les rendant plus sensibles aux stimuli», indique Ronan Chéreau, maître assistant au Département des neurosciences fondamentales et coauteur de l’étude.

Un récepteur inattendu
Grâce à des techniques de pointe – imagerie, optogénétique, pharmacologie et surtout électrophysiologie – l’équipe a pu enregistrer l’activité électrique de structures minuscules comme les dendrites. Ces différentes approches ont permis de comprendre comment cette modulation s’opère au niveau des synapses. En temps normal, le neurotransmetteur glutamate agit comme un signal d’activation. Il aide les neurones à transmettre une information sensorielle en déclenchant une réponse électrique chez le neurone suivant. Mais dans ce nouveau mécanisme, le glutamate relâché par les projections du thalamus, agit autrement. Il se fixe sur un autre type de récepteur, situé dans une région spécifique du neurone pyramidal du cortex. En réponse, ce dernier change son état de réactivité plutôt que de l’exciter directement. Le neurone devient dès lors plus facilement activable, comme s’il était mis en condition pour mieux répondre à un prochain stimulus sensoriel.

«C’est une voie jusqu’ici inconnue pour une modulation.Habituellement, la modulation des neurones pyramidaux est assurée par l’équilibre entre les neurones excitateurs et inhibiteurs, pas par ce type de mécanisme», précise Ronan Chéreau.

Nombreuses implications
En montrant qu’une boucle de rétroaction spécifique entre le cortex somato-sensoriel et le thalamus peut moduler l’excitabilité des neurones corticaux, l’étude suggère que les voies thalamiques ne se contentent pas de transmettre des signaux sensoriels, mais agissent également comme des amplificateurs sélectifs de l’activité corticale. «En d’autres termes, notre perception du toucher n’est pas seulement façonnée par les données sensorielles entrantes, mais aussi par les interactions dynamiques au sein du réseau thalamocortical», ajoute Anthony Holtmaat.

Ce mécanisme pourrait en outre participer à la compréhension de la flexibilité perceptive observée dans les états de vigilance du sommeil ou de l’éveil, états lors desquels les seuils sensoriels varient. Son altération pourrait également jouer un rôle dans certaines pathologies, comme les troubles du spectre de l’autisme.

Brandalise, F., Chéreau, R., Chen, IW. et al. Thalamocortical feedback selectively controls pyramidal neuron excitability. Nat Commun 16, 5663 (2025). https://doi.org/10.1038/s41467-025-60835-w
Fichiers joints
  • Neurone cortical exprimant une protéine fluorescente verte, imagé dans le cerveau vivant de souris par microscopie biphotonique. © Ronan Chéreau
Regions: Europe, Switzerland
Keywords: Health, Medical

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