Le projet RISTRETTO, dédié à l’observation de Proxima b – l’exoplanète la plus proche du Système solaire – franchit une nouvelle étape: plusieurs composants clés de ce spectrographe de haute précision ont été prototypés et testés avec succès par les ateliers du Département d’astronomie de l’Université de Genève (UNIGE). En outre, les simulations globales de l’instrument révèlent que Proxima b sera détectable par RISTRETTO, tout comme l’éventuelle présence d’oxygène ou d’eau dans l’atmosphère de la planète, dont la taille et la température rappellent celles de la Terre. Ces résultats sont à découvrir dans deux études publiées dans Astronomy & Astrophysics.
Les étoiles qui peuplent notre Galaxie sont très éloignées les unes des autres. Cela pose un problème majeur aux astronomes qui cherchent à détecter et étudier les exoplanètes: il est très difficile de discerner – ou de «résoudre», selon la formulation scientifique – une exoplanète de son étoile.
Seuls quelques systèmes planétaires peuvent être résolus par les plus grands télescopes, à l’instar du Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire Européen Austral (ESO). Mais une autre difficulté complique le travail des scientifiques: une étoile comme Proxima du Centaure, l’étoile la plus proche du Système solaire, est 10 millions de fois plus brillante qu’une planète. Détecter la lumière de sa planète, Proxima b, avec le VLT revient à distinguer, depuis le sommet du Cervin, la lumière d’une luciole tournant autour d’un phare à New-York.
Les scientifiques du Département d’astronomie de l’UNIGE ont décidé de relever ce défi avec le projet de spectrographe à haute précision RISTRETTO. L’instrument, qui sera installé sur le VLT, s’appuie sur de nouvelles techniques instrumentales.
Outillage de l’extrême
Afin de masquer la lumière éblouissante de l’étoile, les scientifiques ont développé un nouveau concept de coronographe à unité intégrale de champ. Ce dispositif consiste à paver l’œil de l’instrument de plusieurs lentilles hexagonales. Des fibres optiques permettent ensuite d’amener la lumière vers le spectrographe. En jouant avec les propriétés de la lumière, il devient alors possible d’«éteindre» partiellement l’étoile afin de révéler la planète située à proximité.
«Nous avons développé un prototype entièrement fonctionnel que nous venons de tester à l’Observatoire de Genève», commente Nicolas Blind, ingénieur de recherche au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE et premier auteur du papier traitant de ce développement instrumental de pointe. «Les performances correspondent à nos attentes et confirment notre décision initiale de développer cette technologie pour RISTRETTO».
Ce succès s’ajoute à d’autres avancées récentes, en particulier sur l’autre élément clé de l’instrument: son optique adaptative extrême (XAO). Ce système corrige les perturbations de l’atmosphère terrestre qui brouillent les observations astronomiques. L’équipe a testé de manière concluante plusieurs composants de cette XAO lors d’essais menés sur le site de l’Observatoire de Haute-Provence (OHP) au début du mois d’octobre.
Détecter Proxima b
En s’appuyant sur ces premiers résultats techniques, les scientifiques ont pu modéliser RISTRETTO sur un ordinateur afin d’évaluer sa capacité à détecter Proxima b. «Nous avons intégré dans notre simulation de RISTRETTO des observations synthétiques de l’étoile Proxima et de sa planète», indique Maddalena Bugatti, doctorante au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE et première auteure de l’article portant sur ces simulations. «Avec seulement 55 heures d’observations avec le VLT, nous arrivons à détecter la planète en 85 heures et nous pouvons dire s’il y a de l’oxygène ou de l’eau dans son atmosphère».
Soutenu par l’horlogerie suisse
En début d’année, RISTRETTO a reçu le soutien financier de l’horloger suisse Swatch, ce qui permettra d’achever l’instrument de haute précision avant son installation sur le VLT en 2030. Ce projet est d’autant plus important qu’il doit ouvrir la voie aux instruments de seconde génération destinés à l’Extremely Large Telescope (ELT), le télescope de 39m actuellement en construction au Chili.
«Ces premiers résultats sont très encourageants», souligne Christophe Lovis, professeur associé au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE, responsable du projet RISTRETTO et co-auteur des différentes études. «Les prochaines étapes impliquent notamment le test du spectrographe en salle blanche puis en conditions réelles d’observation avec le télescope de 152 cm à l’Observatoire de Haute-Provence, ainsi que la conception complète de l’optique adaptative extrême».