Course perdue contre le climat: l’histoire du poivre noir
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Course perdue contre le climat: l’histoire du poivre noir


Pris de vitesse par le changement climatique: dans le cadre d’une étude internationale, des scientifiques de l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) ont retracé l’histoire de l’expansion du poivre noir au cours des 21 derniers millénaires. Grâce à une nouvelle approche, ils ont notamment découvert qu’après la période glaciaire, la plante avait migré trop lentement pour coloniser toutes les zones propices.

  • Des chercheurs du WSL ont montré qu’il est possible d’améliorer les résultats d’un modèle dynamique de répartition des espèces élaboré au WSL en y intégrant des données génétiques.
  • Pour ce faire, ils ont reconstitué l’histoire de la répartition du poivrier (Piper nigrum) depuis le pic de la dernière glaciation.
  • Ils ont notamment constaté que cette plante était probablement beaucoup plus répandue autrefois qu’aujourd’hui, bien qu’elle n’ait pas été capable de coloniser assez rapidement toutes les zones favorables.

La forme sauvage du poivrier ne se trouve que dans les Ghats occidentaux, une chaîne de montagnes au sud-ouest de l’Inde. Au Moyen Âge le poivre, marchandise précieuse et importante, provenait d’Inde. C’est également à cette époque que remontent les premières mentions du territoire où pousse le poivrier.

Une nouvelle approche

Piper nigrum, la liane dont les fruits fournissent le poivre, colonise les forêts sempervirentes des Ghâts occidentaux. Michael Nobis, biologiste au WSL, a étudié, en collaboration avec des scientifiques indiens et japonais, l’évolution de sa répartition depuis le pic de la dernière glaciation à l’aide d’une nouvelle approche.

Une partie de l’équipe a analysé le génome de plants de poivriers sauvages provenant de l’ensemble de leur aire de répartition. Ils ont ainsi pu déceler des indices sur les déplacements de l’espèce et, par exemple, identifier les régions où une plus grande diversité génétique témoigne d’anciens territoires de colonisation. Indépendamment de ces données de génétique des populations, Michael Nobis a d’abord reconstitué l’histoire de la répartition du poivrier à l’aide de KISSMig, un modèle dynamique de distribution qu’il a lui-même développé. Ce modèle a simulé la répartition passée du poivrier sur la base de son aire actuelle de répartition et des changements climatiques survenus depuis la dernière glaciation. Les résultats variaient toutefois selon la vitesse de migration que l’espèce pouvait atteindre dans le modèle et selon le type de climat que les scientifiques considéraient comme favorable pour elleL’équipe a ensuite combiné les deux approches en intégrant les données de génétique des populations dans la modélisation de la répartition. «Ce n’est pas fondamentalement nouveau», explique Michael Nobis. «Mais nous l’avons essayé pour la première fois avec KISSMig, un modèle très simple.» Grâce à sa simplicité, ce modèle permet des calculs très rapides, ce qui leur a donné la possibilité d’effectuer un grand nombre de simulations différentes et de sélectionner celle dont les résultats correspondaient le mieux aux données génétiques. «Cette optimisation a fortement réduit les incertitudes concernant la vitesse de dispersion supposée et la tolérance climatique de l’espèce.»

Du sud au nord

Grâce à cette approche combinée, les scientifiques ont pu montrer que le poivrier était probablement beaucoup plus répandu après la dernière glaciation qu’il ne l’est aujourd’hui. Il occupait alors une zone continue dans le sud des Ghats occidentaux, y compris les régions côtières. Dans le nord de la chaîne, il était d’abord absent car les conditions climatiques n’y étaient pas encore favorables.

Il y a environ 15 000 ans, le climat a changé brusquement, et la zone potentielle d’habitat s’est rapidement étendue vers le nord. La plante a suivi, mais elle n’a pas réussi à coloniser toute la zone – sa répartition réelle était «en retard» par rapport à son potentiel. «De toute évidence, le changement climatique a alors été plus rapide que la vitesse de migration du poivrier», explique le biologiste. Au cours des cinq derniers millénaires, la population a fini par se fragmenter en plusieurs sous-populations qui occupent encore aujourd’hui les Ghats occidentaux.


Deux méthodes valent mieux qu’une

«Le modèle de répartition qui intégrait les résultats génétiques a fourni des résultats nettement plus fiables que celui qui n’en tenait pas compte», explique Michaël Nobis. En revanche, lorsque les deux méthodes étaient utilisées séparément et que seuls les résultats finaux étaient comparés, ceux-ci ne concordaient souvent pas bien. L’équipe a choisi d’étudier le poivrier car des données génétiques provenant de l’ensemble de l’aire de répartition étaient disponibles et que l’histoire de son expansion était relativement simple.

Après ce test concluant, ils envisagent désormais d’étudier d’autres espèces en Europe et en Suisse selon la même approche améliorée. Celle-ci peut fournir des informations précieuses, car la vitesse de migration des espèces dans le passé peut être utilisée pour mieux prédire les effets des changements climatiques futurs. De telles reconstructions permettent également d’identifier d’anciens territoires de colonisation, caractérisés par une forte diversité génétique. Dans le cas du poivrier, les scientifiques ont ainsi identifié des zones pouvant servir de réservoir génétique pour la précieuse épice.

Sen S., Nobis M.P., Saggere R.M.S., Ramanujam S., Davis T., Karger D.N., … Tsuda Y. (2025) Direct integration of population genetics and dynamic species distribution modelling improves predictions of post-glacial history of Piper Nigrum. Divers. Distrib. 31(9), e70070 (16 pp.). https://doi.org/10.1111/ddi.70070
Archivos adjuntos
  • Le poivre noir sauvage ne pousse que dans le sud-ouest de l'Inde. (Photo : Stephanie Kusma)
  • Selon la manière dont les fruits sont préparés, la plante produit du poivre noir, blanc, vert ou rouge. (Photo : Sandeep Sen)
Regions: Europe, Switzerland, Asia, India
Keywords: Science, Environment - science

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